Mercure, fils de Sylas et d’Actaée
C’est la fin du mois de juin. Le soleil descend peu à peu sur l’horizon disséminant une lumière orangée sur les maisons blanches d’Actaépolis. Le centre ville est relativement calme, seuls se font entendre les rires des enfants, quelques bruits de bêtes, et quelque part, le marteau qui bat le fer. Devant une petite maison, un vieillard est installé sur une chaise. De longs cheveux blancs lui tombent sur les épaules, et de profondes rides lui entaillent le visage. Ses fins yeux bleus semblent contempler l’invisible. Il est plongé dans ses pensées, et rien ne semble pouvoir l’en sortir. Pourtant, il est bientôt réveillé par une petite fille qui court vers lui et vient sauter sur ses genoux.
« Bonjour Créos, qu’est-ce que tu fais ? »
« Bonjour Cassandra, comme tu peux le constater je n’fais pas grand-chose » répond le vieil homme d’une voie usée. Puis il ajoute : « Et toi ma petite, que fais-tu ? »
La fillette aux cheveux bouclés semble brûler de poser une question : « Tu me racontes une histoire s’il te plaît ? »
« L’histoire sera pour un autre moment ma chérie, nous devons rentrer manger ou ta mère va nous attendre. » répond une autre voie.
Créos lève le regard et aperçoit un homme s’approchant de la cinquantaine. Il est brun mais les cheveux gris ont commencé à conquérir les côtés de son crâne. Malgré son âge, il demeure robuste et se tient droit comme un prince. A vrai dire, il se trouve être un prince, pense le vieil homme.
« Bonjour Ziles, ça me fait plaisir de te voir. D’où viens-tu comme ça ? »
« Bonjour Créos, comme d’habitude mon ami, j’étais à l’entrainement. »
« C’est vrai, je suis bête, et comment se passent vos entraînements ? la relève est-elle à la hauteur des anciens ? »
« Eh bien disons qu’ils leurs faudrait de l’expérience sur le terrain. Le potentiel est là, ça c’est certain, mais ils sont encore jeunes. »
« C’est sur, aucun d’eux ne vaut la lame de Sylas, la flèche de Kazen, ou n’a le talent stratégique de Boros, la paix soit sur eux. Seul Mercure peut peut-être prétendre avoir la compétence du moins fort d’entre eux, Milos le chanceux ! »
« Détrompes-toi, Milos était un très grand guerrier, le premier sur les ennemis et le plus fiable des hommes. Il a décidé de s’élever au dessus de sa condition et s’est forgé un destin à la force de son bras. C’était peut être le compagnon que je respectais le plus, et en tout cas mon meilleur ami. De plus, tu oublies le trio maudit : Jason, Nemo et Jerome. Si tu parles de compétence guerrière, Nemo était peut être le moins fort, mais de sa voie claire, il honorait la déesse plus que beaucoup. »
« Oui je comprends, le talent artistique est une qualité exigée chez les sept serviteurs de la Déesse. Cela fait combien de temps que tu as pris leur commandement maintenant ? dix-huit ans ? »
« dix-neuf, Boros est mort il y à maintenant dix-neuf ans. »
« Et Phallos, comment se porte t-il ? »
Ziles a un sourire : « Tu rechignes encore à l’appeler Couillu ? Cela fait vingt ans que tu habites avec nous mais tu gardes tes mœurs athéniennes. Pas étonnant que tu n’t’entendes jamais avec Doros. »
« Je n’ai aucun problème avec Doros, ce n’est pas le souverain le plus raffiné qui existe mais ce qu’il a accomplit… Comment ne pas le respecter. Et… Couillu disais-je, comment se porte t-il ? »
« Il va bien, toujours le même, quoi qu’encore un peu plus rude qu’avant. »
« Oui, cette ile ne se distingue pas par l’éducation et les manières de ses habitants, mais ce peuple est vraiment attachant. Son bras en moins n’handicape pas trop Phallos ? »
« Oh tu le connais, son arme principale n’est pas son bras mais sa témérité. »
Pendant ce temps là, la petite fille écoutait la conversation depuis les genoux du vieillard, l’air fasciné par tous ces grands noms qu’elle entend. Elle finit par redescendre sur la terre ferme et coure s’accrocher aux jambes de son père.
« Tu commences à avoir faim n’est-ce pas petite musaraigne ? » lui dit son père.
La petite fille ne répond pas, elle se contente de serrer les jambes de son père plus fort.
« Bon nous allons y aller Créos, joins-toi à nous pour le repas, ça fera plaisir à tout le monde. »
« Oui viens Créos, s’il te plaît et comme ça tu nous raconteras une histoire. »
« Merci beaucoup mais j’attends Mercure, il m’a dit qu’il passerait ce soir. Pourquoi n’est-il pas revenu à la ville avec toi d’ailleurs ? »
« C’est Mercure tu sais, non seulement il a les capacités incroyables qui vont avec son ascendance, mais en plus, il passe littéralement sa vie à s’entraîner. Là je crois qu’il est allé courir avec son armure pour améliorer sa résistance. Pour te dire, alors qu’on s’entraînait depuis dix heures ce matin et qu’il était déjà là avant notre venue. »
« Sais-tu pourquoi il s’entraîne comme ça ? Ca ressemble à une obsession. Il est jeune et très beau garçon, il pourrait s’amuser au lieu de travailler si dur. »
« Je sais pas. A vrai dire je me pose souvent la question, il semble tourmenté, mais j’ignore pourquoi. C’est peut être le lot d’un orphelin. »
« Ses parents ne sont pas morts ! »
« C’est tout comme. »
« Certes. »
« Moi j’aime bien Mercure, il est gentil. » dit Cassandra en sortant la tête de la jambe de son père.
« Bon cette fois ci on y va. Au revoir mon ami, passes une bonne soirée, et si tu peux, parles à Mercure. »
« J’essayerai, au revoir Ziles, au revoir petite fripouille, si tu viens me voir demain, tu auras ton histoire. »
Puis le père et la fille s’éloigne dans la rue silencieuse.
***
Une bonne heure passe et la nuit tombe sur la citée. Bientôt, une silhouette apparaît à quelques mètres du vieil homme. Elle semble se déplacer curieusement, un peu maladroitement. Créos plisse les yeux mais il est incapable de reconnaître la personne. « Mercure, c’est toi ? »
« Oui mon ami, comment vas-tu. » répond une voie dans l’ombre.
« Ca va, mais que t’arrive t-il ? Tu marches bizarrement ! »
Mercure arrive bientôt à quelques mètres du vieillard et ce dernier finit par distinguer le jeune homme lorsqu’il arrive à portée de la lumière de la lampe à huile éclairée à côté. Il est grand et d’une puissante musculature. Des cheveux châtains lui tombent sur la nuque et ses yeux brillent d’un gris d’une profondeur sans commun, comme du métal en fusion. Il a hérité de sa mère déesse des traits d’une très grande beauté, Cependant, il n’a pas l’aisance et le charme de son père. Il porte tout son matériel dans ses bras : les pièces de son armure et son plastron, son casque, son bouclier et une ceinture à laquelle sont accrochées une épée, et une hache. Il semble tituber de fatigue sous le poids de cet amoncellement, et lutte pour maintenir le tout en équilibre.
« Ah ça y est je comprends maintenant, tiens tu peux poser ça là si tu veux. Je vais te chercher une chaise, nous pouvons rester ici si ça ne te dérange pas. »
« Non pas du tout par contre reste assis, je vais chercher la chaise. »
Mercure pose son matériel sur le sol et rentre dans la maison. Il en revient avec une chaise. Et s’assoie à côté de Créos.
« Excuses moi pour ce retard, je suis allé me baigner à la source pour me débarrasser de la sueur de la journée. »
« Pas de problème, de toute façon je n’ai pas grand-chose à faire. » dis le vieil homme en souriant.
« Mon oncle te salue. »
« He bien dis lui que je le salut et que j’espère qu’il va bien. »
« Ce sera fait » dit Mercure en s’enfonçant dans sa chaise l’air détendu. Puis il ajoute : « C’est mon moment préféré de la journée, j’ai fini l’entraînement et je suis propre. Il fait bon, la ville est calme. »
« Si tu veux, j’ai du vin pour accompagner ce bon moment. »
« Non j’te remercie, je n’aime pas beaucoup ça, par contre si tu veux en boire, je peux aller te chercher la bouteille. »
« Non merci, je n’en ai pas spécialement envie, et de toute façon, le vin n’est bon que s’il est partagé. Alors, que me racontes-tu ? La vie est belle ? »
« Ca va. »
« Tu vois un peu des filles ? » ajoute le vieil homme l’air coquin.
« Non j’ai pas vraiment le temps. »
« Pourtant, elles doivent se bousculer pour obtenir tes faveurs. »
« Y’en a qui essayent, mais ce genre de fille ne m’intéresse pas. »
« Ha oui ? Et quel genre de fille t’intéresse ? »
« Et toi ? » répond Mercure l’air amusé.
« Oh moi tu sais, je suis trop vieux pour ces histoires maintenant. Mais ne détournes pas la conversation. »
« Pfff je sais pas trop. J’aime bien les filles qui sont fières, celle qui me coure pas après parce que je suis le fils d’une déesse et d’un immortel. »
« Et accessoirement un prince… »
Mercure hoche la tête.
« A vrai dire, je crois savoir quel est ton genre… » ajoute Créos.
« Ah oui, et quel est-il ? » demande Mercure étonné.
« Je dirais que ton genre, ce serait plutôt une fille grande et belle avec de longs cheveux châtains, de beaux yeux verts, une très grande grâce mais aussi de la fierté. Elle repousserait les assauts de tous ces jeunes héros en herbe dont la puberté fait bouillir le sang. Elle serait la fille d’une amazone, elle serait aussi prêtresse d’Athéna et aurait été l’élève de Doto. Enfin, si j’me souviens bien, elle s’appellerait Gaïa. »
Mercure qui écoutait en souriant se décompose. « Je... je l’aime bien c’est vrai, mais c’est tout. Comment sais-tu ? »
« Je t’connais depuis que tu es bébé. Et puis j’ai vu la façon dont tu la regardais. De plus pendant trois années jusqu’à il y à deux ans, tu allais tout les soirs prier Athéna au temple, et ça, c’est plus que de la dévotion. »
« Tu te trompes, je n’allais pas au temple pour Gaïa. »
« Ah bon, mais pourquoi alors as-tu cessé de t’y rendre du jour au lendemain ? C’est pas la belle qui t’as dissuadé de venir ? En tout cas, c’est ce qui s’dit »
« He bien c’est faux. Je n’ai jamais tenté quoi que ce soit avec Gaïa, et nous sommes en bons termes. »
« Mais alors une chose m’intrigue. Pourquoi allais-tu au temple ? »
« Pour prier. »
« Mais pourquoi autant, je sais qu’Athéna est ta déesse préférée mais tu as déjà sa protection et son amour, comme le prouve ce casque qu’elle a mit dans ton berceau quand tu étais un nourrisson. » Créos pointe l’amat d’armes et de pièces d’armure posé contre le mur. »
« Ce n’est plus ma déesse préférée » répond Mercure à demi-voie et l’air sombre. Puis, il semble réaliser ce qu’il vient de dire et ajoute : « Excuses moi, je suis fatigué, je dis n’importe quoi. »
Créos le dévisage un moment, puis s’appui sur les bords de sa chaise, et dans un souffle d’effort, se lève. Il commence à marcher en direction de l’amat mais Mercure se lève rapidement et se dépêche de ramasser le casque pour éviter à Créos de se baisser. Il le lui tend et retourne s’asseoir. Le vieil homme revient à son tour et contemple le casque un moment. Il brille comme de l’argent et il est décoré d’une tête de hibou, un animal d’Athéna. Cette tête a une forme très simple et est forgé de façon assez rude. Le casque n’est pas abimé par les nombreux coups qu’il a reçu, mais il est sale et l’on voit qu’il est très utilisé. « Ce casque, on ne dirait pas le travail d’Héphaïstos, peut-être Athéna l’a-t-elle forgé elle-même. » dit Créos.
Après un moment, et toujours en contemplant le casque, le vieil homme demande : « pourquoi ce n’est plus ta déesse ? »
« Oublies ce que j’t’ai dit, c’est sans importance. »
« Oh que si c’est important, c’est même la chose la plus importante que tu n’m’ais jamais dite je pense. Que se passe t-il dans ta tête Mercure, tu agis étrangement. Je commence à m’inquiéter pour toi. »
Mercure reste là silencieux, il regarde vers le sol les sourcils froncés. « J’ai vu tes premiers pas, je t’ai appris à lire et à écrire, je t’ai raconté toutes les histoires que je connais plusieurs fois. Nous sommes amis depuis que tu es en âge d’avoir des amis, pourquoi ne me racontes-tu pas ce qu’il se passe ? Tu sais que tu peux avoir une confiance aveugle en moi. »
Mercure reste silencieux un long moment semblant réfléchir, puis il finit par dire à voie basse : « Elle ne m’a jamais protégé. »
Créos attend, il laisse le temps à Mercure de choisir ses mots. « Elle m’a offert ce casque c’est vrai, mais depuis, rien. Je n’ai jamais ressenti son regard ou sa protection. Normalement, lorsqu’un dieu t’a à la bonne, comme pour Doros, Hector, et les autres, tu le ressens, et lorsque tu es en difficulté, il te viens en aide. Tu vois cette confiance que tu peux lire dans le regard de mon frère Milos, cette certitude qu’il bénéficie du soutien d’Apollon, moi je ne l’ai pas, parce que je suis seul. Je l’ai compris à l’âge de 15 ans après un entraînement avec lui. C’est à partir de ce moment là que je me suis mis à aller au temple tous les soirs pour prier Athéna. J’me suis dit que j’avais du faire quelque chose de mal, que j’avais du insulter la déesse involontairement ou je sais pas quoi d’autre. »
« Je pense que tu te trompes, tu sais les Dieux sont occupés, et peut être qu’Athéna te regarde sans que tu le saches. »
« Ne remets pas en doute ce que j’te dis Créos, je suis certain de ce que j’avance. »
« Et, et tu t’es découragé ? Pourquoi as-tu cessé d’essayer de l’amadouer ? » demande d’une voie éraillée le vieillard inquiet.
« Cela ne servait à rien. »
« Mais elle ne t’a rien dit ? Elle ne t’a pas expliqué pourquoi ? »
« Non. »
Créos regarde maintenant Mercure d’un œil triste et anxieux. Il pose une main sur son épaule : « Ca va aller mon garçon, je suis sur que tous les dieux de l’Olympe seraient honorés de faire de toi leur héros. A l’origine, Sylas ton père était un héros du Dieu Hermès mais en tuant l’un de ses fils, Parménion, il fut maudit (à ces mots, les deux hommes crachent par terre), il s’est attiré la rancœur du Dieu qui n’a plus voulu le protéger. Mais regarde, il a sauvé Actaée, il est devenu son héros, et même son mari. » Il ajoute en souriant : « Je te promets pas que tu vas te marier avec une déesse mais te fais pas de souci. »
Ces mots ne semblent pas du tout soulager Mercure. Toute la tristesse et la colère qu’il s’était évertué à cacher depuis des années semblent irradier, transpirer par chaque pores de sa peau. Les deux hommes restent silencieux pendant un long moment, puis c’est Mercure qui brise le silence. Il regarde Créos, s’essaye à un sourire crispé, et demande : « Dis Créos, tu veux pas m’raconter une histoire comme quand j’étais petit ? »
Le vieillard sourit : « Bien sûr, laquelle veux-tu ? »
Le jeune homme réfléchit un moment.
« Mmmmh ton arrivée ici, c’est ma préférée avec celle de la rencontre de mes parents et du sacrifice de mon père. »
« Ah oui celle là, tu veux juste le combat de ton père ou la version longue ? »
« La version longue s’il te plaît. »
« D’accord alors laisse moi réfléchir une seconde, mmmh voilà. » Le vieillard prend une inspiration tandis que Mercure tourne sa chaise vers lui pour mieux l’écouter.
***
« Donc, il y à de cela vingt ans, je me trouvais en Grèce à Athènes, où j’écrivais des tragédies, et des comédies. J’avais un peu de succès même si d’autres en avaient plus que moi, et je gagnais ma vie comme ça. J’avais également hérité de la fortune de mon père et donc, je n’ai jamais eu de problème d’argent. Mais ce que j’aimais par-dessus tout, c’était les récits d’aventure, et le travail de conteur.
Trois années auparavant, j’avais entendu parler d’un groupe d’argosiens chargé de fonder une colonie, et qui comptait dans ses rangs des hommes très courageux. On m’avait notamment parlé de Sylas, de son sacrifice pour Actaée et de la déclaration d’amour qu’il lui avait faite. J’avais aussi entendu parler du talent militaire d’Hector, la façon dont il avait défait les pirates. Et aussi de Doros le caractériel, de Nilmar l’insondable, et d’Alyone le roi déchu. Tous ces hommes me semblait être un groupe de héros digne d’intérêt et j’avais donc recueilli sur eux le plus d’informations possibles. Mais je dois avouer que Sylas m’intriguait plus que les autres. Un jeune paysan qui décide de devenir un héros pour obtenir l’amour d’une déesse, je trouvais ça incroyable. On m’avait parlé de son bagou, de son courage et de sa volonté inébranlable et ça m’avait donné envie d’en savoir plus. Je voulais comprendre pourquoi.
Après quelques temps à réfléchir, je m’suis dit qu’il fallait que j’aille à Argos, pour rencontrer la famille et les amis de Sylas, qu’ils m’expliquent qui il était et d’où lui venait cette force de caractère. Je fini donc par y aller, c’était un été je me souviens et il faisait très chaud. J’y fis la rencontre de sa famille, qui l’aimait beaucoup même si il y avait eu des problèmes avec l’adolescent. Ton père était du genre turbulent, désobéissant, indiscipliné. Il avait fugué depuis bien des années et avait depuis vécu de chasse, de pêche de cueillette et d’aventure. Il s’était attiré les foudres de quelques notables d’Argos pour avoir séduit leur femme ou leur fille, alors ils s’étaient un peu fait oublier. Les portraits faits de ton père que j’entendais n’étaient pas toujours très sympathiques, mais j’appris le plus important. Qu’il avait déjà vu Actaée lorsqu’il était jeune, et qu’il était tombé fou amoureux d’elle. Que s’il parcourait toute la région, c’était pour la retrouver. En fait, c’était son amour qui avait motivé tous les hauts faits de ton père. Après cet épisode, je décidais qu’il fallait que je le rencontre, ainsi que les autres membres du groupe car j’entendais chaque mois parler d’un nouveau fait d’arme des argonautes. Cependant, par lâcheté, je n’osais pas partir à leur poursuite et risquer les mêmes dangers qu’eux. Au bout de trois années à entendre parler d’eux, je compris qu’il y aurait toujours un danger qui m’empêcherait de partir. Malgré le fait qu’ils étaient alors en guerre contre Sparte et que la ville pouvait envoyer une armée à tout moment, je pris mon courage à deux mains, je réglais mes dernières affaires à Athènes et je partais en direction d’Actaépolis.
Il ne me fallut qu’une semaine et demi pour arriver sur l’ile à bord d’un navire marchand. Là, je trouvais un peuple comme nul autre, qui comptait plus de héros que je n’pouvais en retenir, dont le moindre père de famille avait affronté un géant, et tué des amazones et des pirates. La déesse de ce peuple vivait avec lui sur son ile, et tout cela leur paraissait normal. Malheureusement quelque chose d’encore plus impossible que le reste était arrivé. Quelques jours avant ma venue, Artémis et Arès étaient venus sur l’ile pour tuer Actaée car elle était devenue trop puissante. Doros avait affronté Arès, avait survécu et il était le deuxième être humain de l’histoire à avoir blessé le Dieu. Mais Sylas et Actaée n’avaient pas eu cette chance. Artémis les avait tués.
Cela était arrivé seulement quelques jours avant ma venue, et j’étais dépité. Je ressentais ça comme une punition pour ma lâcheté. J’hésitai à repartir mais je résolu malgré la mort de Sylas d’écrire son histoire et celle des Actéens. Je commençais à interroger les gens et à prendre des notes, mais il était difficile de travailler sereinement car il se passait beaucoup de choses. Une fois remis sur pied après un mois, Doros se mit en tête d’aller chercher Actaée, et si possible Sylas en enfer. Je me demandais où est-ce que j’étais tombé, je me disais : qui sont ces gens dont le courage frise la folie. Et donc, comme il l’avait dit, Doros quitta la citée alors que des troupes spartiates pouvaient arriver n’importe quand. Lorsque le peuple appris la mort d’Actaée et de Sylas, et la destination du voyage de Doros, il fut dépité.
Seulement un mois plus tard, une importante flotte spartiate vint attaquer la ville. Hector, qui remplaçait Doros, et les Actéens furent héroïques. Ils combattirent d’abord l’ennemi sur la mer, mais bientôt, il ne leur resta qu’un seul navire. Ils se replièrent donc dans leur citée et attendirent l’adversaire de pied ferme. Il ne m’était plus possible de partir, mais de toute façon, le destin de ce peuple me fascinait trop pour que je m’en aille. Les Spartiates donnèrent plusieurs assauts sur la ville mais furent repoussés cependant, il devint bientôt évidant qu’un nouvel assaut serait notre fin.
Je me souviens, au bout d’un mois de résistance farouche, Hector fit un discours très touchant. Il insuffla dans les yeux des Actéens cette flamme, celle qui leurs fait accomplir de si grande chose. Ils étaient tous prêts à mourir en héros, le fait qu’il n’y avait que très peu d’enfant et de couple marié dans la citée a aidé je suppose. Le jour où le dernier assaut devait avoir lieu, je m’armais moi-même et montais sur les remparts pour mener le dernier combat de ce peuple à ses côtés et faire preuve d’un peu de son courage.
Mais soudain, une rumeur commença à monter dans la citée, Actaée est revenue disait-on, Actaée répétait-on partout, Actaée Actaée, sur tout le rempart et dans toute la citée, Actaée Actaée. Doros et Sylas sont là aussi, Doros, Sylas, et les Satyres. Je ne comprenais pas alors je me tournais vers là où tous les regards étaient à présent tournés. Sur la plaine menant à la plage devant la citée, l’armée spartiate avait laissé passer un petit groupe. Je reconnaissais Doros, Phallos, Boros, et Ziles que j’avais déjà vu, et avec eux marchaient une femme superbe au port de reine, et un jeune homme qui correspondait à la description que l’on m’avait fait de Sylas. Je me disais qu’on avait du se tromper, qu’il ne pouvait pas être morts, et « revenus ». Pourtant, j’avais vu la tombe de Sylas et d’Actaée de mes yeux. Ils s’approchèrent firent ouvrir la porte.
Les Actéens ne comprenaient pas non plus, ils étaient comme sous le choc, mais lorsque les héros et la déesse entrèrent dans la citée, alors une joie sans pareil explosa dans la citée. Tout le monde criaient, les femmes pleuraient, des hommes aussi. Une haie d’honneur s’improvisa jusqu’au centre de la ville. Une fois sur la place centrale, le groupe monta sur une estrade.
Là, Doros parla le premier, il expliqua à la foule son voyage avec les Satyres jusqu’au cœur de l’enfer, sa rencontre avec Sylas devant la porte de la cellule où était détenue Actée au fin fond de la forteresse d’Hadès, et la façon dont il la sauvèrent du Dieu en affrontant Gorgo, le mangeur d’âme avec l’aide des plus grands héros grecs. Je te passe les détails, tu connais cette histoire.
Nous étions tous complètement abasourdis. Ton père, Doros, Alyone et les Satyres avaient fait ce qu’aucun héros n’avait fait avant eux. Pendant que Doros parlait, les gens s’étaient spontanément mis à amener des offrandes aux pieds d’Actaée qui formèrent bientôt un énorme tas.
Doros décrivit ensuite leur retour, et qu’ils avaient négocié avec le chef de l’armée spartiate un duel entre deux champions pour régler le conflit. Ton oncle expliqua qu’il aurait aimé faire ce duel lui-même, mais que Sylas le lui avait déconseillé, la citée ayant besoin de son Oïkiste.
Doros attrapa la main de ton père, la souleva dans les airs et dit : J’ai choisi Sylas, le héros d’Actaée, désormais immortel. Les actéens hurlèrent leur soutien, même si quelques uns auraient préféré que Doros, l’homme qui avait blessé Arès fussent le champion. Le duel devait avoir lieux une heure plus tard, et je n’osais pas aller déranger ton père, me disant qu’il avait plus important à faire que de satisfaire ma curiosité.
Lui, Actaée et tous les héros de la citée encore vivant : Doros, Hector, Alyone, Nilmar, Boros, Ziles et Phallos, se réunirent pour boire et manger avant le moment fatidique. Assis au bout de la grande table de banquet avec d’autres Actéens, je les observais tous. Ton père n’avait que 23 ans te rends tu compte ? Et il tenait la main d’Actaée. Il y avait une assurance dans ses yeux, il avait un charme que je n’ai vu chez nul autre homme. Le groupe de héros parlait paisiblement, Actaée semblant comme faire partie de la famille. Ils évoquaient leur exploits, la part belle était faite à ceux de Sylas, qui allait peut être mourir. Hector demanda quel héros avait été choisi en face, et Sylas lui dit qu’il s’agissait de l’un des cinq immortels légendaires. Hector répondit que ça ne l’étonnait pas, que Sylas devait faire attention car le héros en question était un très grand guerrier, qui avait tué de nombreux Actéens. Que ce héros était de la trempe des plus grands d’Actaépolis. Ils burent à la santé de tous leurs morts : Massule le puissant, Mylos le courageux, Kazen le vif, le trio maudit et tous les actéens morts dignement au combat.
Après une demi-heure, Sylas se leva de table, et demanda qu’on lui apporte quelques pièces d’armure, et deux épées. On lui apporta plusieurs exemplaires de chaque chose, pour qu’il sélectionne les plus adaptés. Doros se proposa de l’aider à déterminer quel matériel était le plus efficient en faisant un petit échange. Ils combattirent un peu, ton père était d’une rapidité et d’une souplesse surhumaine tandis que ton oncle… tu connais ton oncle, c’est un monstre de puissance.
Finalement, l’heure passa et Sylas commença à saluer tous ses amis. Tous firent des libations et des prières pour lui. Il vint vers Actaée et l’embrassa devant la foule abasourdie, puis il se dirigea vers la porte. Des Actéens et des Actéennes l’arrêtaient pour le serrer dans leurs bras et l’embrasser. La vieille Doto se présenta devant lui, lui jeta des graines dessus en prononçant une formule, puis le serra dans ses bras.
Tout le long du chemin qui le menait à la porte, Sylas demeura souriant. Il les franchit et se retrouva sur la plaine face à Dorian, le plus grand guerrier Spartiate. L’un des cinq immortels avec Massule et Ectarus. Il était musclé mais pas autant que Doros ou Nilmar, tout se passait dans son regard, il semblait d’une concentration extrême. Il portait une grosse armure spartiate, et un bouclier, mais aucune arme dans sa main droite.
Sylas se présenta devant lui et le salua en souriant. Dorian lui rendit son salut et lui dit qu’il avait beaucoup entendu parler de lui, qu’il était heureux de pouvoir l’affronter. Puis, il planta un javelot à côté de lui et un javelot à quelques mètres en avant.
Un silence de mort régnait sur la plaine. D’un côté, les Actéens observaient depuis les remparts, de l’autre, l’armée spartiate organisée en phalanges d’hoplites attendait calmement. Sylas s’adressa à Dorian : Je te laisse commencer lorsque tu le souhaiteras. Dorian répondit : He bien commençons.
Puis, il attrapa de sa main droite un pendentif qu’il portait autour du coup, ferma les yeux, et adressa une prière à Arès. Sylas commença à s’avancer en effectuant des pas de côté pour être plus difficile à toucher par un javelot. Dorian attrapa le javelot à sa droite et le lança avec une puissance que tu ne peux pas imaginer. »
A ces mots, Mercure l’interrompt : « Si je peux imaginer, il s’agit d’un trait de Paris, seul quelques guerrier en sont capable dont mon oncle. »
« Alors tu comprends la puissance de cette attaque. Le projectile parcouru les dix mètres qui le séparaient de Sylas, celui-ci effectua une esquive à la dernière seconde mais fut tout de même touché au flanc. Le javelot emporta une partie de l’armure de cuir de ton père et une poignée de chaire, puis il continua sa course en trajectoire droite jusqu’à venir se planter 60 mètres plus loin dans le rempart.
Mais ton père resta stoïque, il se précipita sur l’adversaire tandis que ce dernier allait chercher le deuxième javelot. Il lui sauta dessus, heurta son bouclier avec les pieds pour le détourner et frapper Dorian de ses deux épées. Le spartiate absorba le choc avec son bouclier et ne baissa pas sa garde, il ne fut donc pas touché mais par contre bien secoué par l’impact. Une fois de retour sur la terre ferme, ton père utilisa le bouclier de son adversaire pour se protéger, il parvint à frapper la jambe du spartiate mais l’armure absorba pratiquement toute la force de l’attaque, Dorian en profita pour lancer son deuxième javelot qui vint une fois de plus toucher le flanc de ton père. Le sang coulait de ses plaies en quantité, et nous étions tous effrayés. Il effectua une roulade sur le côté de Dorian pour se retrouver dans son dos. Là, il poussa un hurlement bestiale et effectua une attaque de ses deux épées du bas vers le haut, avec une puissance dont son corps n’aurait pas semblé capable. Dorian se retourna assez tôt pour se protéger avec son glaive, et absorba une partie du coup. Cependant, la puissance de l’attaque le projeta en arrière. C’était un adversaire incroyable, chaque coup que tentait Sylas, il le devinait par avance. De plus, il recevait une assistance flagrante d’Arès qui lui accordait des pouvoirs surhumains. Ton père en tant qu’immortel n’avait plus accès à ce genre de pouvoir, et ne pouvait compter que sur lui-même. »
« Tout comme moi » chuchota Mercure, mais Créos préféra ne pas relever.
« Mais le pire était à venir, Dorian profita de la distance entre eux deux pour adresser une nouvelle prière à Arès, ton père s’en aperçut et chercha à interrompre son adversaire, il se précipita et une nouvelle fois, sauta dans les airs, son style de combat était magnifique à voir, tout en acrobatie, et en pirouettes, ses deux épées frappaient avec une vitesse et une efficacité redoutable. Malheureusement, Dorian parvint à finir sa prière et alors que Sylas prenait son impulsion pour sauter sur lui, le bras du spartiate se mit à trembler et fut entouré d’une étrange lueur. J’entendis Hector et Doros dire : « Ho non » en même temps. »
« Le coup du taureau de Crète ! Sur les Dieux, personne ne peut résister à ça ! » commente Mercure. »
« Une seule personne d’après ce que j’ai entendu, ton père ! Lorsqu’il arriva au niveau de Dorian, ce dernier frappa avec une puissance complètement folle, mais Sylas répondit par une attaque incroyable, les pieds sur le bouclier de son adversaire, d’une lame, il… comment dire, il usa le coup de son adversaire en détournant sa trajectoire, et de sa deuxième lame, il brisa la course du glaive du spartiate dans un bruit énorme et une lumière aveuglante. Les deux adversaires furent projetés chacun d’un côté, ton père qui était dans les aires effectua un saut périeux arrière et retomba sur ses pieds à quatre mètres de là. Dorian été sous le choc, son attaque la plus puissante n’avait fait aucun dégâts à Sylas. A côté de moi, Doros et Nilmar riait tandis qu’Hector soufflait de soulagement. Phallos a hurlé en direction du spartiate : « HAHA, C’EST LE CHEF DES SATYRES MON VIEU, ET IL REVIENT DES ENFERS !!! Même ta mère a sourit à ses mots.
Les deux hommes étaient blessés et ton père l’était un peu plus que son adversaire, cependant, cela ne semblait pas l’handicaper. Sylas et Dorian s’observèrent un moment, sachant que le dénouement était proche. Ils se précipitèrent l’un vers l’autre, ton père harcelant le spartiate de toutes parts, mais celui-ci tenant bon à l’abri derrière son bouclier, l’écho de leurs lames s’entrechoquant tranchait le silence de la plaine, et aucun combattant ne dominait le combat. Mais soudain, ton père passa sur le côté du bouclier de Dorian, là il effectua une attaque sans équivalent chez les mortels : une pirouette sur le côté, comme un soleil, et vint frapper les jambes du spartiate avec ses deux lames, la tête en bas. Celui-ci qui depuis le début avait toujours saisi les attaques de ton père demeura incrédule et surpris face à ce qui se passait devant ses yeux. Une giclée de sang tapissa le sol sur trois mètres. Lorsque ton père retomba sur ses deux jambes, il continua sa route en marchant sans se retourner. Dorian tomba à genoux, incapable de se relever.
Dans ses deux yeux qui pointaient derrière son casque, l’on pouvait lire l’incrédulité devant sa défaite. Puis après le choc vint l’acceptation. Il laissa tomber son bouclier, il planta son épée dans le sol, et enleva son casque. Il saisit le pendentif qu’il portait autour du coup, l’embrassa, puis s’adressa à Sylas : « Je suis vaincu. C’est un honneur de mourir par ta main, la manière dont tu combats, elle… n’est pas humaine ».
Sylas lui répondit en souriant : Je n’suis pas tout à fait humain à vrai dire, ce fut un honneur pour moi aussi. C’est le plus beau combat qu’il m’ait été donné de faire. Si tu fais le serment de ne plus jamais porter une épée, de ne plus jamais te battre, je te laisserai la vie sauve. Bien sur, Dorian refusa, « toute ma vie est vouée au combat, je veux mourir en guerrier », répondit-il.
Alors, ton père rangea l’une de ses lames dans son fourreau et garda l’autre à la main droite. Tandis qu’il s’approchait du héros vaincu, Spartiates et Actéens retenaient leur souffle. Arrivé à la hauteur de Dorian, Sylas lui caressa les cheveux et lui chuchota quelque chose que je ne put entendre, on dit qu’il eu les parole suivante : « Personne ne t’oubliera mon ami ». Puis il se plaça face au spartiate. Dorian garda ses yeux dans ceux de ton père, et quelques secondes passèrent qui semblèrent une éternité. D’un seul coup, Sylas planta son épée dans le cœur du héros qui continua de regarder l’Actéen dans les yeux un moment avant de fermer les siens pour toujours.
Sylas retira l’épée que tu as ici je crois, d’un coup sec pour laisser toute sa dignité à son adversaire. Tout le monde demeura silencieux, des spartiates vinrent chercher le corps, puis l’armée fit demi-tour en direction de ses navires.
C’est alors que dans tout Actaépolis, la joie explosa, tout le monde serraient tout le monde dans ses bras, les gens hurlaient et pleuraient de bonheur. Dès ce moment, dans mon cœur et dans celui de mes compagnons, j’étais devenu un Actéen. La foule commença à répéter le nom de Sylas, tous le reprenaient et bientôt, des milliers de voies criaient en rythme Sylas, Sylas, Sylas. Ton père rentra dans la ville et les Actéens formèrent une haie d’honneur pour le laisser monter sur le rempart et rejoindre Actaée et ses amis. Là, il embrassa une nouvelle fois la déesse sous les hourras de la foule, puis vint serrer ses amis dans ses bras. Doros proclama ouvert le plus grand banquet qu’avait jamais connu la citée, et tout le monde se dirigea vers la place centrale.
Nous célébrâmes l’évènement toute la journée et toute la nuit. Les plus pochtrons d’entre nous continuèrent la fête le lendemain et la nuit suivante, ton oncle faisait bien sur partie du lot. Ton père et ta mère se retirèrent après la première nuit. Le lendemain ta mère était enceinte, et trois jours après, tu naissais.
Tes yeux laissèrent pantois tout ceux qui les virent. Le vert des yeux de ton père, et le bleu de ceux de ta mère s’étaient réunis en une étrange alchimie pour donner ce gris si profond, comme du mercure en fusion. C’est comme tu le sais la source de ton prénom. Tu étais un bébé charmant, très calme et souriant, qui regardait le monde de ses grands yeux, comme avide de le comprendre.
Doros fit bâtir une maison dans la forêt à la demande d’Actaée et tes parents s’y installèrent avec toi quelques jours après ta naissance. Pendant tout ce laps de temps, je n’osai pas aller voir ton père, je ne voulais pas le troubler dans ce moment de bonheur.
Mais comme tu le sais, on ne peut pas jouer avec les Dieux. Hadès s’était senti insulté de la mort des nombreux Gorgos qu’il avait envoyé à la poursuite des Actéens, et de leur évasion des enfers. Perséphone en voulait à Sylas de ne pas avoir jeté la flûte qu’elle lui avait prêtée avant de quitter les enfers. Héra était hors d’elle que Sylas ait encore échappé au sort funeste qu’elle voulait pour lui. Artémis était en colère que sa rivale Actaée soit en vie de nouveau. Hermès ne portait pas non plus la communauté dans son cœur, enfin bon, ça bouillait pas mal sur l’Olympe.
Une semaine seulement après ta naissance, on tapa à la porte de la maison de tes parents. Sylas vint ouvrir et trouva Artémis sur le seuil. Il l’invita à entrer et à s’asseoir, ce qu’elle fit. Ton père s’attendait à un évènement de ce type, il se doutait bien que les Dieux ne pourraient accepter cette situation. Il tenta donc de négocier un accord qui ne comprenne pas la torture d’Actaée et de lui même en enfer pour l’éternité. Artémis lui proposa que lui et sa femme se retire dans un endroit isolé des hommes, un endroit où personne ne pourrait jamais venir, et où ils seraient prisonniers pour l’éternité. Cette solution contenta assez ton père, vivre pour toujours avec la femme qu’il aimait plutôt que de subir des tourments éternels. Il négocia que ce lieu soit une ile déserte, et Artémis le lui accorda. Il demanda que jamais aucun mal ne te soit fait et que tu vives en paix sur cette terre, ce qu’elle accepta. Enfin, il lui demanda qu’Athéna soit ta divinité protectrice, car elle n’avait jamais mal agi envers les Actéens. Artémis lui répondit qu’elle en parlerait à sa demi-sœur, ce qui contenta ton père. Avant de sceller le pacte, Sylas demanda son avis à ta mère qui était en train de t’allaiter dans la chambre. Elle accepta, consciente de la chance qui leur était offerte. Tes parents prirent rendez-vous pour le lendemain avec Artémis, celle-ci dit qu’elle viendrait les chercher sur la plage au coucher du soleil.
Ce soir là, en apprenant la nouvelle, les Actéens furent affligés, mais Sylas leurs remonta le moral. La menace spartiate n’existait plus, et une fois que la colère des Dieux serait calmée, la citée pourrait vivre en paix et prospérer pour longtemps. Une fois de plus, Doros organisa un grand banquet, et de nombreux Actéens et Actéennes vinrent rendre leurs hommages à tes parents et à toi-même. Une fois ton oncle bien fait, mais pas encore assez ivre pour rouler sous la table, Sylas le prit à part.
Je tiens ces mots d’Alyone qui avait une fois de plus les oreilles qui traînaient. Ton père dit à ton oncle : « Doros, tu m’as sauvé la vie un nombre incalculable de fois, et j’ai fait de même pour toi. Nos destins nous ont fait frères au fil des combats et des beuveries. Je n’peux demander cela à aucun autre que toi. Lorsque nous partirons demain soir Actaée et moi, prends mon fils sous ton toit, considères le comme ton propre fils et élèves le comme tel. Je sais que tu seras un bon père, et que tu le traiteras à l’égal de tes autres enfants ». J’ignore si c’est à cause de l’alcool mais ton oncle accepta tout de suite, et le lendemain, il n’avait pas changé d’avis.
Toute la ville fit nuit blanche pour rendre honneur aux couple, et lorsque le matin se leva, tes parents se retirèrent dans leur maison pour passer la journée seuls avec toi. »
« Je peux voir leur visages ce jour là. »
« C’est vrai ? » demanda Créos surpris, « Mais tu avais seulement une semaine ! »
« Je sais, c’est étrange, mais je les vois distinctement. »
« Tu ne me l’avais jamais dit. »
« Non, je n’sais pas vraiment pourquoi. Je me souviens de leur au revoir ce soir là aussi. Leurs larmes, et leur tendresse. C’était plus clair quand j’étais petit, mais je m’en souviens encore. Je suppose que les adieux avec les Actéens furent difficiles aussi. »
« Oui assez, c’était surtout difficile pour ton père de se dire qu’il ne reverrait jamais ses compagnons. Les Actéens quant-à eux étaient fort dépités de perdre leur déesse mais aussi l’un de leurs plus grands héros. Tes parents dirent au revoir à tout le monde aux portes de la citée mais partirent ensuite seul jusqu’à la plage pour ne pas incommoder Artémis. Ta mère pestait contre elle, l’insultant de tous les noms, elle exprimait fortement l’envie d’aller lui mettre une droite mais ton père l’en dissuada. Après t’avoir dit au revoir, ta mère te donna à ton père, il te dit au revoir à son tour, c’était vraiment très triste. Enfin, il te donna à Doros, sans un mot, mais avec un regard lourd de sens. Puis, ils passèrent les portes sans se retourner. Tout le monde monta sur les remparts pour les regarder partir. Ton oncle resta là à regarder l’horizon longtemps après que tes parents soient partis. Quelques jours plus tard, on trouva ce casque dans ton berceau (Créos montre le casque qu’il tient dans ses mains), ce qu’on interpréta comme l’acceptation d’Athéna de te protéger. La suite, tu la connais… Le vieillard contemple le noir du ciel l’air pensif. Je m’demande souvent où sont tes parents et s’ils sont heureux. Je suppose que oui, aussi longtemps qu’ils sont ensembles. »
« Non ils ne le sont pas. » répond Mercure. Il demeure les yeux baissés et les points serrés, il semble bouillir de l’intérieur mais ne dit rien de plus.
« Comment les sais-tu ? »
Mercure prend une grande inspiration avant de répondre :
« Tout à l’heure je t’ai menti, Athéna s’est adressé à moi une seule fois. »
Il regarde intensément Créos dans les yeux et dit :
« Ecoutes, je n’ai plus la force de porter ce fardeau seul, alors je vais t’en parler, mais d’abord, tu dois faire le serment de ne jamais répéter ce que je vais te dire à qui que ce soit. »
« Très bien… j’en fais le serment. »
« Bien. Tout à l’heure nous parlions des trois années, celles entre mes 15 et mes 18 ans où je me rendais chaque soir au temple d’Athéna pour la prier de me pardonner. Je t’ai dit qu’elle ne m’avait jamais répondu mais j’ai menti. Le soir de mes 18 ans, j’avais décidé de passer la nuit à prier la déesse pour donner de l’impact à mon message, mais tard dans la nuit, j’avais fini par m’endormir sur le sol du temple. Et alors que je rêvais, Athéna m’est apparue, avec son casque sur la tête et sa lance dans la main. Elle était d’une immense beauté, mais elle avait l’air triste et inquiète. Elle me dit qu’elle entendait chaque jour mon message, qu’elle ne me reprochait rien mais qu’il lui était interdit de me répondre. Héra avait convaincu Zeus de m’enlever toute protection de la part des Dieux. J’avais été maudit, et condamné à toujours rester ignoré d’eux, et ce pour les fautes de mes parents. Athéna semblait désolée, elle me dit qu’elle regrettait cela mais qu’elle ne pouvait aller à l’encontre de la décision de son père. Qu’en me parlant seulement, elle commettait un acte très grave. Qu’Héra avait une fois de plus causé le malheur et la tristesse en influençant son père. »
« Dieux, c’est horrible ! »
« Oui mais attends, ce n’est pas fini. Alors qu’elle me disait cela, une peur me foudroya soudain. Si les Dieux m’avaient réservé ce traitement, quel était celui réservé à mes parents ? Zeus avait-il tenu parole ? A cette question, Athéna sembla très gênée. Elle hésita un moment mais je la pressai. Je n’te demanderai rien d’autre, plus jamais, mais réponds à ma question je t’en prie. Elle finit par répondre : Tes parents sont bien tout les deux sur une ile déserte pour l’éternité… Mais chaque fois qu’ils se touchent, ils sont foudroyés, si bien qu’ils sont condamnés à se regarder, et à s’aimer de loin pour toujours. »
A ces mots, Créos laisse tomber le casque de Mercure sur le sol, et regarde son ami la mine déconfite. « Je suis tellement désolé Mercure. »
Mais celui-ci continu sans faire attention, les yeux mouillés et le visage contracté dans un rictus de rage. « Alors je me suis mis à hurler, et à pleurer, j’ai maudit Héra, Zeus et tous les dieux de l’Olympe mais Athéna devait se douter que j’allais le faire car elle a rompu le lien avant de m’entendre blasphémer. C’est Gaïa qui m’a réveillé, j’étais allongé sur le sol, prostré, les larmes qui avaient coulé sur mon visage dans mon rêve mouillaient encore mes joues, et les paroles que j’avais prononcé dans mon sommeil, Gaïa les avait entendus. Elle m’aida à m’asseoir et me demanda pourquoi j’avais parlé ainsi. Elle semblait terrifiée de ce qui venait de se produire, et voulait comprendre, mais plutôt que de lui répondre, je me suis levé, et je suis parti sans la regarder. Je n’lui ai plus jamais adressé la parole depuis. Elle a bien essayé de me parler, elle voulait comprendre et m’aider, mais je l’ai repoussée à chaque fois et elle a finit par abandonner. Je n’suis jamais retourné dans un temple depuis, à part dans celui dédié à ma mère. »
Le vieillard regarde son ami sans savoir quoi dire, des larmes commencent à couler sur son visage. Il s’essuie les yeux, se reprend et demande : « Que vas-tu faire ? »
Mercure qui regardait le sol se tourne vers Créos, dans ses yeux est lisible une indicible rage. Il garde les dents serrées, souffle un bon coup pour se calmer, et finit par répondre en détachant chaque syllabe pour ne pas laisser sa voie trembler :
« Les Dieux n’ont que faire de nous, ils nous considèrent comme des marionnettes. Que nous vivions ou que nous mourions, cela leur est égal, mais si nous en venons à leurs désobéir, alors ils nous punissent avec une cruauté sans équivalent. J’ai de la rancœur contre tous les Dieux, mais la véritable responsable de tous les malheurs de ma famille, celle que je hais par-dessus tout, c’est Héra. Elle a poursuivit mon père depuis le début, faisant de sa vie un calvaire. Puis elle a refusé l’ascension divine de ma mère et s’est arrangé pour qu’une autre assassine mes parents : Artémis la chienne. Lorsque la force de leur amour leur a permis de surpasser la mort, elle s’est arrangée pour que son mari les punisse encore. Sylas et Actaée ont accepté ce que Zeus leur proposait pour calmer les Dieux et maintenir la paix à Actaépolis. Mais sous la pression de sa femme, il a transformé l’offre originelle en torture éternelle. Enfin, moi qui suis déjà orphelin, elle m’a maudit pour une chose dont je n’suis pas responsable. Non seulement je n’reverrai jamais mes parents, mais jamais un Dieu ne posera sur moi un regard bienveillant.
Longtemps, j’ai été en proie au doute. Est-ce que j’devais accepter ça ? La trahison faite à mes parents et leur souffrance… pour toujours ? » Mercure avale sa salive.
« Est-ce que je devais accepter une punition aussi injuste, d’être condamné avant même d’avoir vécu ? Est-ce que je devais laisser Héra condamner ma famille à l’enfer sur terre ?
La réponse est NON !!! »
Mercure prend un moment pour se calmer, puis il reprend.
« J’ai réfléchi longuement à une manière de sauver mes parents. J’ignore où ils sont, sur une ile c’est tout ce que je sais, mais les Dieux les ont condamnés à vivre toujours retirés des hommes, donc, je n’suis pas sur qu’il soit même possible de rejoindre l’ile. Peut être se trouve t-elle dans un autre monde, ou que sais-je. Ma première piste, serait de rencontrer une vieille femme qui dit-on maîtrise l’espace et le temps. C’est cette femme qui avait tendu un piège à des Décans, et que mon père et Nilmar avaient rencontrée. Peut être cette femme pourra t-elle répondre à ma question. Le problème, c’est que Sylas et Nilmar ont eu un échange assez mouvementée avec elle, et je crains qu’elle ne nous en tienne rigueur.
Si il y à une infime chance de rejoindre l’ile et de sauver mes parents, j’irai moi-même. S’il n’y en a pas, j’ai un autre plan, mais celui-ci, je n’peux t’en parler. »
« Quoi ? Pourquoi ? tu m’as déjà presque tout dit. »
« Les Dieux ne peuvent lire mes pensées, mais ils peuvent m’entendre. »
« Ce sont les mots d’Ectarus que tu emploies ! » constate Créos effrayé.
« Mon plan est à peine moins fou que le sien. »
Créos contemple Mercure, les yeux grands ouverts et les mains contractés sur les genoux. Il s’apprête à parler mais le jeune homme le précède.
« Ce plan là serait plus dangereux, et plus incertain, mais avec de la chance, je pourrais peut être punir Héra, en plus de sauver mes parents. »
Créos semble fondre dans sa chaise.
« Il n’y a rien que je puisse dire pour te dissuader de marcher dans ce chemin je suppose ? »
« Non en effet. »
Après une pause, Mercure reprend : « Tu te souviens de ton serment Créos, tout ce que je t’ai dit doit rester secret pour toujours. »
Brisé, comme s’il avait appris la mort prématurée de son ami, Créos répond en chuchotant : « Oui, je sais... malheureusement. »