Chapitre 3

La route de Delphes

Lundi 4 mai 2009, par Pierre // Roman - Legende d’Actaée

La Cité d’Argos a changé de mains bien des fois dans l’histoire, et notre bibliothèque est l’une des plus fournies de la région, avec plus de cent gravures et le triple de manuscrits. Certaines gravures sont incompréhensibles, et mon maître était certain qu’elles provenaient des peslages voir des mycénniens. Nous avons également des manuscrits écrits en dorien ou en achéen. Mais mon objet d’étude préféré n’est pas dans la bibliothèque. Il s’agit de la frise qui orne le toit du temple d’Héra au trône d’or : elle représente Diomède, le roi d’Argos, et le plus grand héros grec de l’Iliade après Achille. Quelle tristesse pour moi de savoir que je n’y retournerai sans doute jamais… Pour ma part, je voudrais continuer à transmettre la connaissance du passé à travers l’écriture. Ecrire comment Pheidon a renversé le roi et s’est proclamé tyran. Ecrire comment il a écrasé l’armée de Sparte à la bataille d’Hysiai en étant le premier à utiliser une armée de citoyens en formation d’hoplite... Vois-tu, ce fut l’intelligence qui triompha sur la force ce jour là. Mais à quoi bon écrire si personne n’est capable de me lire… Ziles, mon ami voudrais-tu apprendre ?

Discussion entre Patrocle d’Argos et Ziles de Drogmar

Argos était l’une des plus anciennes Cité du Péloponnèse. Sa citadelle défensive, l’Acropole, trônait majestueusement au sommet d’un piton rocheux haut de deux cent tailles d’homme. Ce piton s’appelait Larissa, et la civilisation qui lui avait donné ce nom avait depuis longtemps disparue.

L’Acropole était le centre culturel et politique de la Cité. La notion de frontière était floue, et d’une certaine manière, plus on s’éloignait de Larissa et moins on pouvait se dire à Argos. En effet, les argiens qui habitaient trop loin ne pouvaient pas véritablement exercer leurs fonctions de citoyen. Pour cette raison les différents rois d’Argos avaient tenté de limiter l’extension de la ville, qui se développait aux pieds de l’Acropole. Pour être gouvernable, une Cité devait être suffisamment réduite pour que chacun se retrouve sous la surveillance de tous, et qu’aucun étranger ne puisse se glisser parmi les citoyens. Il n’était pas nécessaire de détenir quelconque registre, car tout le monde se connaissait.

Ainsi, chacun reconnut immédiatement les trois hommes qui descendaient les marches de l’Acropole, et tous savaient déjà où ils se rendaient. A leur passage, les hommes et femmes les saluaient, ou levaient les bras au ciel pour implorer Hermès, le dieu des messagers. Mais les prières et les saluts ne s’adressaient qu’à deux d’entre eux, car Parménion n’avait aucun ami en ville. Il n’était qu’un étranger, qui plus est d’une Cité ennemie, et il aurait été lapidé si le stratège Brigomaglos n’avait pas crut ses paroles.

« Ne t’en fais pas, Parménion, le peuple te traitera en héros lorsque tu reviendras porteur de bonnes nouvelles » lui dit Brigomaglos. Le vieux général imaginait déjà son retour triomphant, et ne parvenait pas à masquer son excitation.

« Je n’ai que faire de ce que pense la populace » répondit froidement le vieux spartiate.

Brigomaglos sembla déçu. Il se tourna vers Hector. L’épibate restait digne et hautain, comme à son habitude. Il n’avait pas prononcé une parole depuis qu’il était arrivé. Brigomaglos se dit que voyage promettait d’être long…

Après la descente de l’Acropole et une brève marche à travers les dédales urbains, les trois hommes empruntèrent le Sentier des Marchands pour sortir de la Cité en direction du nord.

Grâce au développement spectaculaire du commerce Corinthien, la route était très bien balisée. Brigomaglos se rappelait qu’il n’en était pas autant lorsqu’il était jeune homme. Corinthe en était encore à ses balbutiements et ses habitants vivaient à l’ancienne, de brigandage et de piraterie. Désormais, la Cité était devenue l’épicentre du commerce et de la colonisation. Située sur l’isthme, Corinthe était le point de passage obligé vers l’Attique et donc vers Delphes. Une voie pavée avait même été construite pour transporter les marchandises et les petits navires de la mer Egée à la mer Ionienne sans avoir à contourner le golfe du Péloponnèse.

Mais d’expérience, le strategos savait que les routes les mieux entretenues n’étaient pas toujours les plus sûres : beaucoup de richesses transitaient, et cela attirait la convoitise. C’est pourquoi le groupe circulait à pied : des cavaliers auraient étés plus rapides, mais les chevaux avaient une grande valeur, bien suffisante aux yeux de certains pour ôter la vie à un homme. Trois voyageurs sans bagages pourraient en revanche sûrement passer sans être inquiétés.

Cela était d’autant plus vrai que rien n’indiquait que les trois hommes puissent être de la haute société. Ils n’avaient aucune parure, et portaient tous des drapés de laine plutôt que de lin. Brigomaglos et Hector portaient une étoffe enroulée autour du corps pour former une tunique. Une seconde était posée sur les épaules et faisait office de manteau. Les deux étaient pourpres, couleur de teinture la plus répandue car la plus facile à produire. Quant à Parménion, il portait une tunique noire et usée, qui couvrait en partie ses jambes. Sa poitrine nue était traversée d’une lanière de cuir, qui retenait un grand bouclier gris et blanc sur lequel était schématisée une tête de loup.

C’est finalement la passion d’Hector pour les armes qui permit de rompre le silence :

« Parménion, je ne peux m’empêcher de regarder ton aspis à tête de loup, il ne ressemble à rien que je connaisse. »

Parménion sembla étonné, presque flatté qu’on lui adresse la parole. Il faut dire que le détachement et la dureté qu’il affichait était très largement simulée.

« Mon aspis et mon glaive sont les seuls biens qu’il me reste, mais je les chéris plus que tout ce que j’ai pu posséder par le passé » annonça-t-il fièrement de sa voix grave.

« Et d’où viennent-ils ? » demanda Hector. Sa curiosité lui faisait oublier qu’il était censé haïr son interlocuteur.

« Ce sont des trophées que j’ai arraché à mon ennemi. » répondit Parménion.

Hector eut un sourire en coin, qui ne plut pas au vieux spartiate.

« Tes biens les plus chers sont le fruit d’un larcin ? » se moqua l’épibate.

Parménion retrouva son habituelle dureté dans la voix. « Ne m’insulte pas Hector ! » gronda-t-il. « Tu ne connais pas ma vie ni mes raisons, et je n’ai pas l’intention de me justifier face toi, qui a la moitié de mon âge ! »

Hector détourna le regard. Il savait avoir été impoli, mais il ne se sentait pas tenu de s’excuser envers un étranger.

Brigomaglos soupira d’exaspération. Les trois hommes ne se parlèrent plus jusqu’à Corinthe.

***

Au sommet du monde, deux divinités suivaient la progression des trois mortels. La déesse des foyers avait un plan pour eux, et elle avait besoin du dieu soleil pour le réaliser.

« Les Moires tissent le Destin, Je me contente de le lire » dit Apollon pythien.

« Mais Leur ouvrage n’est pas achevé » objecta Héra au trône d’or.

« Je ne prédis que ce qui est tissé, car Je veux rester infaillible aux yeux des mortels » dit Apollon devin.

« Qu’importe Ta fiabilité auprès des mortels alors que Nous risquons de disparaître » rétorqua Héra épouse de Zeus.

« Ce n’est qu’une possibilité parmi beaucoup d’autres » dit Apollon qui repousse au loin.

« Nous ne pouvons courir le risque. C’est pourquoi J’ai commencé à déplacer Mes pions » dit Héra au trône d’or.

« Deux boucliers et une épée dispersés parmi une poignée de mortels ? » railla Apollon l’oblique.

« Cela va amener les mortels devant Toi, et Tu les conduiras à la Boîte pour qu’ils détruisent ce qu’Elle contient » exulta Héra la femme guerrière.

« Mais Tu veux aussi qu’ils La tuent, sinon Tu n’aurais pas choisi ce peuple de mortels en particulier » fit remarquer Apollon qui vise loin.

« Son existence même est une offense pour moi, et Elle va épouser un être qui incarne la négation de mes valeurs. Acceptes-Tu de m’aider ? » demanda Héra séparée de Zeus.

« Le destin est inexorable. C’est la seule loi qui s’impose même à Nous. Nous pouvons influencer les événements, pas leur conclusion. Toute manipulation est vaine » affirma Apollon qui éloigne le mal.

« Alors Tu ne m’aideras pas ? » supplia Héra aux grands yeux.

« Si. Uniquement pour Te fait plaisir. Remercie moi, car cela va précipiter la mort de mon préféré » conclu Apollon l’oblique.

Répondre à cet article

3 Messages de forum

  • Chapitre 3 4 mai 2009 20:06, par Alexf

    Tu pourrais décrire le banquet.« Tarkian, un ami de Brigomaglos » c’est un peu flou.Il resemble à quoi ?Il est jeune ?Vieux ?Il a une fonction ?Il habite où ?

    Répondre à ce message

  • Chapitre 3 4 mai 2009 21:23, par Olivier

    Je trouve l’idée de donner une facette différente à chaque paroles des dieux excellente, ça les rend vraiment mystérieux et irréels, on comprend qu’ils n’obéissent pas aux mêmes règles. Je suis d’accord avec Alex pour le manque de détail, tu vas peut être un peu trop à l’essentiel. Sinon c’est très bien et j’attends la suite avec impatience.

    Répondre à ce message

  • Chapitre 3 4 mai 2009 22:43, par Pierre

    Vous avez raison je vais supprimer l’allusion au banquet ça sert à rien ici. C’était censé introduire le chapitre suivant, parce que je compte rédiger entièrement ce banquet, mais plus tard dans l’histoire.

    Je reconnais que mon défaut principal c’est l’excès de synthèse (c’est de la déformation professionnelle). Faut continuer à me faire remarquer les passages où je vais trop vite ça m’aidera beaucoup.

    Dans certains cas, je fais exprès de ne pas tout décrire pour ne pas ralentir l’action, quitte à revenir plus tard sur un personnage ou un lieu. Mais j’ai beaucoup de mal pour les descriptions. Là je me suis énormément documenté pour écrire ce chapitre, et même comme ça j’en ai chié.

    Je suis très content pour le dialogue entre les dieux, c’est exactement l’effet que je recherchais et j’avais peur que ça soit mal compris.

    Répondre à ce message